Tu dois, il adhère, nous aimons : de l’obéissance à l’engagemnt, le secret d’une productive félicité ?
Thème général / Apports / Déroulement / Échanges
Olivier Piazza, membre de Codesign-it! et co-fondateur du Diplôme Universitaire Intelligence Collective à l’Université de Cergy n’est pas un néophyte en matière d’intelligence collective. Olivier nous ramène au fondement quasi-paradoxal du facilitateur en codesign : comment prétendre faciliter l’expression épanouie du potentiel de créativité d’un groupe dans lequel on incarne une position d’autorité ? Hum… pas facile si l’on en croit la l’abondante littérature inspirée par la théorie de l’auto-détermination (TAD).
Cette théorie, initiée par Decy et Ryan dans les années 70, est déclinée depuis dans de nombreux articles, mémoires, sites et diagrammes dont voici deux échantillons :
Psychologie cognitive, psychologie du travail, psychologie sociale, psychologie de la créativité, théorie du management, théorie de la créativité organisationnelle, tout le monde est d’accord pour dire, écrire, affirmer que la contrainte tue l’intérêt, l’autodétermination et l’autonomie ouvrent les portes de la motivation, et qu’intrinsèquement motivés, nous prenons plus plaisir à faire et sommes plus créatifs (cf. biblio si vous êtres auto-déterminés à en savoir +).
Mais alors, être facilitateur serait ouvrir la voie de l’autodétermination, autonomie créative ? Comment cela serait-il possible ? Et de quelle autonomie parle-t-on ? Celle du groupe, ou des individus qui le constituent ? D’ailleurs, comment s’articulent créativité/motivation groupale et créativité/motivation individuelle ? Les deux sont-elles compatibles ? L’autodétermination individuelle existe-t-elle au sein d’un groupe « facilité » ?
Autant d’apories qu’Olivier a fait germer dans nos esprits et incarné face à nous pendant cette demi-journée : comment nous instiller pendant 20mn un message édifiant sur les affres de l’obéissance et espérer nous ouvrir la voie vers une pensée autonome, individuellement vivante ? Comme souvent dans le D.U, c’est par l’expérience que la solution s’est dessinée.
Certes, les sympathisants du 10co (espaces du collectif Codesign-it! à Paris) sont un public un peu particulier pour un exercice sur l’engagement et la motivation… Depuis presque 2 jours, nous formons un groupe qui a réfléchi sur ce qu’est une « happy place », et qui a été éveillé aux délices de l’inspiration collective naturaliste, une tribu de « happy few » sélectionnés pour intégrer ce D.U à l’aune d’une motivation (intrinsèque) d’airain, bref, un groupe que l’on peut imaginer soudé, (auto)déterminé et quasiment extatique à l’idée de créer. Nous sommes peu représentatifs des écosystèmes dans lesquels un facilitateur intervient, constitués d’individus dont la créativité n’est habituellement pas toujours stimulée, valorisée, voire autorisée. Pour autant, l’expérience que nous faisons avec Olivier et qu’Olivier fait avec nous sur les ressorts de l’engagement nous plonge au cœur du sujet.
Tout d’abord, dans l’ambiance postprandiale de ce 2ème jour de session estivale, nous faisons collectivement l’expérience qu’être continuellement sollicités pour exprimer sa capacité de réflexion autonome, fût on motivé, ça fatigue ! Il faut réveiller le créatif qui est en nous sans le saturer, entretenir la flamme, soutenir la motivation. D’autre part, beaucoup d’entre nous ayant traversé les différentes phases du modèle qu’Olivier nous présente avant de prendre le chemin de la rue Ambroise Thomas, on peut imaginer que capter notre attention volontaire sur le sujet, c’est pas gagné !
Et pourtant, ça a marché ! Comment ? En faisant du modèle théorique une source d’inspiration, et du cadre un outil bienveillant et souple propice à l’organisation d’une pensée. L’importance du cadre pour asseoir l’auto-détermination est d’ailleurs soulignée dans Liberté & Cie par Isaac Getz & Brian M Carney : plutôt que de chercher à motiver les gens, les leaders se demandent « comment mettre en place un environnement où les salariés se motivent eux-mêmes ? ».
Nous nous sommes répartis en 3 groupes pour problématiser le sujet, des groupes plus grands que d’habitude, pour s’attaquer avec ardeur à un sujet ardu. Puis notre célèbre boucle PI (pédagogie inversée) a été déroulée dans une ferveur joyeuse : challenge vigilant des facilitateurs de cette session sur la formulation de nos problématiques, présentation apéritive des formulations devant la neutralité bienveillante d’Olivier, immersion volontaire dans la recherche de solutions à nos problèmes co-construits, et exposé enjoué de nos co-trouvailles dont je vous livre quelques lignes .
Nos 3 problématiques…
Quels éléments de contexte sont les plus favorables à l’épanouissement d’une autodétermination de groupe ?
Le modèle de l’autodétermination est un outil de réflexivité qui nous aide à tenir compte des situations individuelles : identifier les positions de chacun dans la grille d’analyse TAD afin de solliciter par les moyens de facilitation la part ouverte de chacun dans trop solliciter les défenses correspondant à leur situation. Cela peut par exemple donner des clés pour ne pas malmener des individus ou groupes drivés par un management top-down qui institue habituellement l’obéissance en norme de fonctionnement. Cadrage et autonomie ne sont pas antinomiques mais, au contraire, intrinsèquement liés, le premier conditionnant le second !
Comment créer les conditions de co-responsabilité ?
La problématique a été appliquée à la co-responsabilité d’un lieu et de sa gouvernance. Avoir la co-responsabilité d’un lieu passerait par le fait de l’incarner, avoir une vision commune sur les règles d’usage et de jeu qui s’y appliquent. La gouvernance, flexible, serait constituée de prises de décisions partagées, au même titre que la charge mentale qui y est associée pour gérer notamment les principes d’exclusion et d’inclusion attachées à ce lieu. Pour qu’il fonctionne, le lieu doit être porté collectivement par les gens qui l’utilisent, qui l’incarnent de façon à ce que personne ne semble jamais manquer : lorsque quelqu’un s’absente, les autres le reconstituent de façon agile, pas « troué » mais différent.
Comment peut-on être libre de contribuer individuellement à une œuvre collective ? Comment peut-on articuler l’ego et le co, passer de l’engagement personnel à la réalisation collective? En se basant sur des ressorts individuels ou en rebondissant sur un socle d’adhésion commun ? En prolongeant l’objet d’amour individuel par l’amour de l’aventure collective?
Mais aussi, un peu après…
Comment passer de l’injonction à la stimulation sans passer par la schizophrénie ? Comment éviter de soumettre les personnes que nous stimulons à des injonctions paradoxales ou à des conflits de loyauté quand leur management leur demande obéissance? La réunion de cadrage qui précède toute intervention de facilitation peut être particulièrement précieuse pour expliciter, stimuler, arracher les messages incontournables qui devront être délivrés et assumés par la direction en amont d’un atelier pour induire sans danger une évolution de la position des participants dans la matrice de l’ADT.
Au-delà d’un cadre favorable à l’émergence de la co-responsabilité, de l’autonomie du groupe, de la co-création : comment donner de la place à l’individualité dans un cadre d’intelligence collective, plus de je/jeu au service du nous ? L’effacement des egos au service du collectif est une solution palliative, à défaut de permettre à chacun plus d’expression de son individualité au service du collectif. Il s’agit d’aller au-delà de l’ego, de le transcender !
Bibliographie
Edward L. Deci et Richard M. Ryan, Handbook of Self-Determination Research, University of Rochester Press, 2002 (ISBN 978-1-5804-6156-6)
https://www.lesmotivations.net/spip.php?article42
Psychologie de la créativité, Todd Lubart, Christophe Mouchiroud, Sylvie Tordjman, Frank Zenasni, Armand Collin, 2015.
De l’individuation au leadership, Edgar Stein, Dunod.
Liberté & Cie, Isaac Getz & Brian M Carney, Flammarion collection Clé des Champs, 2016
Restitution proposée par Chantal Joie La Marle, participante du Diplôme Universitaire Codesign.
Merci à Olivier Piazza pour son intervention !
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