Fignole ta consigne !


Pourquoi le sujet des consignes mérite une attention particulière ?

Pour nous faire prendre conscience de l’importance des consignes, Guenola Rasa nous raconte le récit de la fin d’une journée de co-facilitation. La dernière consigne donnée pour lancer la séquence finale de cette journée a mis les participants en difficulté et au final, c’est l’ensemble de la journée qui a été considérée comme un échec.

Il semblerait que la “formulation” ait pu créer de la confusion, que le “timing” n’était pas le bon, que “l’énergie” disponible ne permettait pas d’accomplir la consigne, que les “relations” à ce moment entre les participants n’autorisaient pas cette consigne, et enfin que “l’alignement” du facilitateur n’était pas suffisant.

Alors OUI : réussir sa consigne est crucial !


Qu’est-ce qu’une consigne ?

Le dictionnaire nous dit : “Instruction formelle qui est donnée à quelqu’un qui doit l’exécuter ainsi que les tâches qui lui sont associées”.

Quel en est le but ?

Dans le cadre d’un atelier facilité, l’objectif d’une consigne est de mettre le groupe en mouvement et les participants en action, et pour cela, il faudra aller les chercher là où ils sont pour les emmener “ailleurs”. C’est probablement là que réside toute la subtilité d’une consigne réussie.

Ce qu’il faut trouver comme équilibre dans la consigne (ou résoudre comme tension) ?

La subtilité recherchée procède d’un équilibre à trouver entre rationnel et émotionnel.

La rationalité est nécessaire afin de permettre une juste compréhension de ce qu’il y a à exécuter dans la séquence à venir. La consigne gagnera donc à être synthétique et précise, compréhensible par la population cible de façon à éviter les malentendus.

L’émotion est aussi nécessaire car elle va permettre de parler au cœur des participants et de les motiver à s’engager et produire. Il s’agit aussi de sécuriser les participants, de stimuler l’état d’esprit attendu, de leur permettre de “se lâcher”, et de leur permettre de trouver le sens qu’ils voudront donner à la séquence.

L’attention du facilitateur sera portée sur la congruence entre le contenu de sa/ses consignes et la nature de sa communication non verbale (ton, mimiques, gestes, posture du corps,…) : neutre pour l’aspect « technique » de la consigne, coloré pour l’aspect « motivationnel » de la consigne.

Cet équilibre fait écho à un autre dosage entre pédagogie didactique et imagination inspirante, le lien avec rationnel et émotionnel est net, même si cela ne recouvre pas exactement les mêmes notions.

Notons que les premiers mots d’une consigne créent un mode (un pattern) qui va marquer durablement l’interaction. Il sera difficile de redresser la trajectoire si ce démarrage est raté. D’entrée de jeu, le facilitateur induit un biais (type de relation, postures, représentations, atmosphère, ton, rythme, type de langage, métaphores…). Ce biais doit être conscient, choisi, lisible, cohérent…

Quelle formes une consigne peut-elle prendre ?

Une consigne peut prendre plusieurs formes, ce qui permet tout au long d’un workshop de changer de rythme et de stimuler différents aspects de l’intelligence collective. Cette diversité offre aussi une flexibilité culturelle qui permet de choisir la forme en fonction des participants, toujours afin d’aller les chercher là où ils sont.

Une consigne peut donc revêtir une forme écrite qui a l’avantage de permettre une meilleur précision. Elle peut aussi être donnée oralement ce qui permet d’y associer un ton de voix. L’image est aussi un media intéressant pour une consigne décalée. Certains utilisent la « vidéo » qui mélange plusieurs bénéfices des formes précédentes.

Dans sa rédaction grammaticale, la consigne peut se placer du point de vue de toutes les personnes possibles, en fonction des circonstances :

  • « Je suis un vendeur devant mon client. Compte tenu de la situation, quelles sont mes options ? »
  • « Inscris sur le post-it les deux idées qui te viennent spontanément. »
  • « Comment votre interlocuteur peut-il réagir à cette nouvelle ? »
  • « Quelles outils devons-nous mettre en place pour sécuriser la migration des données ? »
  • « Quelles sont les forces et faiblesses de votre équipe ? »
  • « Quels sont les priorités des usages des transports publics ? »

Comment décider de la taille d’un groupe / sous-groupe dans une consigne ?

L’expérience montre qu’en général, pour être efficace dans sa production, un sous-groupe doit compter 7±2 participants (donc entre 5 et 9 personnes). Cela semble le meilleur équilibre entre agilité (gérable) et richesse (diversité). Ce chiffre reflète aussi les intelligences multiples de H. Gardner (https://fr.wikipedia.org/wiki/Howard_Gardner). Mais les situations et les contextes peuvent varier fortement, et le plus important est de rester capable de répondre à la question « pourquoi fait-on cela, pourquoi choisit-on ce chiffre de 3, 5, 6, 7, 8 ou 9 (ou un autre) ? ». De nombreuses recherches étudient cette question, par exemple ici.


Le dosage entre facilitation et autonomie des participants

L’intensité de la présence du/des facilitateur(s) et de leurs consignes doit en principe être décroissante au fur et à mesure que les participants gagnent en autonomie et qu’ils s’auto-gèrent, qu’ils s’auto-régulent entre eux. Un groupe qui se prend en charge  peut réellement activer intelligence collective efficace et durable. Des facilitateurs dont la présence reflue avec le temps, montrent que leur pratique est efficace car elle libère l’espace et crée le terrain d’expression et de responsabilité des participants. Si besoin, la facilitation peut être réactivée de temps en temps pour relancer la dynamique ou accompagner des moments  délicats ou stratégiques (pivots, bascules, changements d’échelle, crises…).

Pour s’exercer à la rédaction de consignes

Écrire plusieurs consignes pour lancer des équipes de participants dans un exercice de conception de “La maison de tes rêves” à destination de trois types  d’utilisateurs différents : un enfant de 3 ans, un ingénieur, un artiste chanteur.

Etape 1 : pour chaque utilisateur pris séparément
Etape 2 : pour les utilisateurs ensemble

De quoi être conscient aussi ?

Dans la rédaction d’une consigne, il faut tenir compte de l’impact désiré au moment où les participants recevront les instructions.

S’agit-il surtout d’augmenter la qualité de l’expérience des participants dans la démarche collaborative (accompagner la dynamique du groupe, booster la créativité, créer la confiance, renforcer l’intimité, améliorer l’écoute, s’aligner sur des objectifs, partager des enjeux…) ou bien s’agit-il surtout de favoriser la production (générer ou éliminer des options, tester des solutions possibles, élaborer des livrables, cranter l’avancement d’un projet…) ?

Au final, quelle serait la check-list d’une consigne-type ?

  • Contexte de cet exercice
  • Intention de cet exercice au regard des objectifs plus généraux
  • Modalités de l’exercice proposé aux participants (en plénière, sous-groupe, individuel)
  • Inputs disponibles (ressources documentaires, expertise présente, travaux antérieurs…)
  • Logistique (matériel, lieu…)
  • Timing
  • Mise en situation / Contextualisation (“vous êtes…” + verbes d’action)
  • Modalités de restitution

Et aussi penser à :

  • Toujours donner les instructions une étape à la fois (pour éviter la confusion)
  • Pousser les participants pour les “stretcher” car les contraintes rendent créatifs
  • Garder une vigilance afin de distinguer les croyances, opinions et convictions, des données objectives
  • Enfin le choix des mots reste un point d’attention pour optimiser l’efficacité de nos consignes (par exemple, le mot “groupe”  peut prêter à confusion : il peut désigner une équipe, mais parfois aussi l’entreprise dans son ensemble) .

Merci à Guenola RASA pour son intervention !

Restitution proposée par GréGoire GATBOIS, participant du Diplôme Universitaire Codesign

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