Ainsi s’achève le règne de la logique.
Elle était pourtant partout : dans les règles immuables de dissertation, « thèse-antithèse-synthèse », dans le raisonnement scientifique, dans nos conversations et nos désaccords, dans notre rhétorique et nos arguments. Nous avons été formés à un mode de pensée logique.
Dans les années 40, des Américains curieux se sont intéressés aux processus d’invention : les innovations géniales du début du siècle n’étaient-elles que le fruit de génies du hasard ?
Il s’est avéré que non : aussi géniales soient-elles, ces innovations présentaient des points communs. En particulier, elles résultaient majoritairement d’un cheminement de pensée créative.
Ils avaient levé le voile : si la capacité de créer, de transformer et d’évoluer ne semblait pas accessible par tous, c’est que notre habitude à un mode de pensée logique nous privait de l’utilisation de notre pensée créative.
Qu’est-ce que la création ? Elle est à considérer ici en tant que création d’idées, non en tant que création artistique. La pensée créative est un moyen de résoudre un problème en étant sans cesse dans le rebond. Au lieu d’être dans une posture de négation d’un argument au sein d’un débat, il s’agit de le saisir, d’en faire une analogie, de s’en servir comme une association d’idées. Au lieu d’être dans la critique, suspendre son jugement l’espace d’une conjecture : et si cette idée n’était pas à rejeter tout de suite, et si on pouvait lui laisser le temps de murir, de se transformer, de devenir la solution du problème ? Et si on se laissait la possibilité de répondre à une idée saugrenue : « Pourquoi pas » ?
Cette approche est d’autant plus difficile qu’être dans le jugement est pour nous une habitude.
Jeanne Bernard, résidente du collectif Codesign-it! et fondatrice de l’agence Katsi, présente son travail comme une orientation sur le chemin créatif. Plutôt que laisser l’entreprise emprunter sa démarche logique coutumière, lui faire changer d’optique en lui donnant les bons outils pour réutiliser sa pensée créative, afin de remédier à un point de blocage. C’est aussi la guider, par exemple, dans la remise à profit du temps souvent gaspillé en réunions.
Surtout, ne plus laisser l’innovation seulement au hasard.
Sa méthode passe par deux actions : diverger et converger.
Diverger, c’est émettre un champ de possibles, libérer des éléments par l’imaginaire ou par destruction des liaisons logiques d’une solution.
Converger, c’est prioriser ces éléments, les utiliser pour aboutir à une nouvelle forme, une solution concrète et adaptée à son environnement.
Le règne de la logique s’achève ; celui de la créativité a un bel avenir devant lui. À la seule condition que la diversité des approches soit entretenue et que leur évolution soit alimentée par une inaltérable mise en commun.